César doit mourir, de Paolo et Vittorio Taviani
26 octobre 2017
12h30 – 15h30
Amphi 3 – Campus de Jacob Bellecombette
Entrée libre
César doit mourir, 2012, de Paolo et Vittorio Taviani
Prison de haute sécurité de la Rebibbia, à Rome. Sur la scène du théâtre de l’établissement, une troupe de détenus de la section « G12 / Haute Sûreté », (principalement composée de délinquants affidés des fameuses Mafia sicilienne, Camorra napolitaine ou Ndrangheta calabraise). Sous les applaudissements nourris du public, la représentation du Jules César de William Shakespeare. Une fois le rideau retombé, les comédiens d’un jour retournent pourtant lentement dans leur cellule. Six mois d’un travail intense réalisé en ce lieu non anodin, depuis le choix des acteurs jusqu’à cette « première » de la pièce, en passant par la douloureuse découverte du texte, viennent de défiler en un instant à l’esprit de chacun des membres de cette singulière troupe théâtrale. Sans porter aucun jugement de valeur sur les protagonistes de l’expérience Paolo et Vittorio Taviani ont ainsi imaginé, puis osé filmer in situ avec l’autorisation de l’administration pénitentiaire, l’élaboration en forme de défi à l’univers carcéral de ce spectacle hors norme. Car tous leurs acteurs sont de vrais détenus « de chair et d’os », purgeant de longues peines, qui découvrent peu à peu par la vertu conjuguée du théâtre et du cinéma comment l’art peut devenir le moyen privilégié « d’évasion » d’un morne quotidien et, le cas échéant, de préparation à une hypothétique réinsertion dans la société.
A l’aide d’une mise en scène rigoureuse et dépouillée, comme d’une image sobre, alternant la couleur et le noir et blanc dans des plans ostensiblement graphiques, les frères Taviani consacrent avec César doit mourir un film ni complètement documentaire, ni ouvertement fictionnel, au processus de réinsertion, de rachat, de reconquête de soi de la part d’hommes condamnés pour de graves crimes. Car ils proposent avant tout au spectateur une réflexion sur l’importance de l’offre culturelle en prison en guise de complément salutaire — au sens de la célèbre formule antique de Juvénal « mens sana en corpore sano » — voire d’alternative à l’exclusivité d’une pratique sportive intensive pour nombre de détenus imaginant trop souvent parvenir à juguler leur désœuvrement morbide par une simple débauche d’énergie physique au bout du compte frustrante. Même si l’un des points faibles du film réside peut-être, de manière paradoxale, dans le fait de ne pas creuser plus profondément encore le thème ambigu du décalage entre le bénéfice de la « libération » mentale offert aux intéressés par la pratique du théâtre en milieu carcéral et la souffrance d’autant plus vive, endurée corrélativement au cours de leur détention par des acteurs amateurs d’un genre aussi particulier, parfois confinés dans cet univers clos depuis de très longues années. Comme le répète d’ailleurs par deux fois Cosimo Rega au début et à la fin du film, le détenu interprétant magistralement le rôle de Cassius, (métaphore « tavanienne » d’une espèce d’alpha et d’oméga de son parcours artistique de rédemption ?) : « Depuis que j’ai connu l’art, cette cellule est devenue une prison » !
+ D’infos : analyse succincte, compléments, au sujet d’expériences de pratique artistique en milieu carcéral [cliquez ici]