Résumé

L’application des méthodes mathématiques et statistiques aux phénomènes sociaux est incontournable dans l’étude de bien des sciences humaines. En France et dans de nombreux pays d’Europe continentale, l’application de ces méthodes au domaine juridique est longtemps restée confidentielle, car elles ne correspondaient pas aux usages habituels de la doctrine juridique, souvent prisonnière d’un positivisme dogmatique. La mise en œuvre des méthodes mathématiques et statistiques à propos des phénomènes juridiques émanait soit d’auteurs disciplinairement rattachés à d’autres champs du savoir (sociologues, économistes, etc.), soit de membres d’institutions et centres de recherche périphériques dans le paysage doctrinal juridique français (le CNRS notamment), soit de l’institution judiciaire, dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques (notamment statistiques et indicateurs judiciaires divers). L’évolution des technologies et l’accès facilité à certains matériaux juridiques auparavant peu diffusés (par exemple les décisions de justice de première instance et d’appel) ainsi que les développements d’acteurs économiques (legal tech) proposant des utilisations commerciales de telles méthodes conduisent à un intérêt nouveau de la communauté juridique pour les savoirs tirés de l’analyse statistique et mathématique des phénomènes juridiques. Cependant, les conditions de production de ces nouveaux savoirs, qu’ils aient une vocation purement descriptive ou également anticipatrice, doit interroger les chercheurs.

Ainsi, l’ambition de Jurimétrie. Revue de la mesure des phénomènes juridiques est de rassembler des contributions scientifiques en lien avec la jurimétrie, qu’elles en exposent ou critiquent les méthodes, en proposent des résultats ou développent une réflexion sur celle-ci. Si elle a vocation à rassembler des études ayant pour objet des phénomènes juridiques, cette revue accueillera dans ses colonnes des contributeurs indépendamment de leur rattachement disciplinaire.

La jurimétrie (n.f. : de jus, juris, le droit, et de metrum, la mesure) est définie comme l’ensemble des méthodes de l’étude du droit qui traitent par les mathématiques les données statistiques relatives aux phénomènes juridiques afin d’en améliorer l’analyse ou d’en dégager des lois ou des relations constantes. Les applications de ces méthodes peuvent être très variées, en termes de champ d’application (branche du droit ou contentieux étudié), du « processus » en cause (légistique, pratique juridique ou administrative hors contentieux, phase précontentieuse, contentieuse, exécution des décisions) ou de matériau pris en compte (décisions de justice, contrats, transactions, logiciel de gestion de la justice). Se rapportent ainsi à la jurimétrie toutes les recherches et activités ayant pour but de quantifier ou de décrire à l’aide d’outils mathématiques (décompte, élaboration de statistiques, modélisation mathématique ou logique…) les phénomènes de droit (activité des juridictions, contenu des décisions de justice, des transactions, activité contractuelle et contenus des contrats, production des normes d’un point de vue quantitatif).

Puisse cette revue inciter les chercheurs à développer de nouvelles méthodes afin d’appréhender les phénomènes juridiques. Puisse-t-elle également démystifier l’application des méthodes mathématiques et statistiques aux phénomènes juridiques.